La Grande Guerre

Quand les nouvelles maladies s'invitent à la guerre

Les maladies invisibles

  • Les premiers traumatisés

Lorsque les premiers soldats traumatisés sont emmenés auprès des médecins du front, ceux-ci désemparés face à ces troubles d'un genre inconnu diagnostiquent une commotion cérébrale faute de pouvoir nommer ces traumatismes. Expédiés à l'arrière, une partie d'entre eux se retrouvent internés dans des asiles faute d'en savoir davantage sur la cause de leurs traumatismes. Peu de médecins du front trouvent le temps d'établir une note pour chaque traumatisée avant leur évacuation vers les centres de soins ou les asiles.

Les traumatisés
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Rapidement, de nombreux autres traumatisés arrivent en asile. Le nombre croissant de ces cas commence à inquiéter le haut commandement. Même s'il est impossible d'établir un nombre exact de traumatisés durant la Grande Guerre, vu que leur maladie n'est pas connue et donc pas listée par les médecins, on peut estimer que plus de 62 500 soldats français sont des traumatisés. Quant aux Britanniques, ils reconnaissent 65 000 cas. Pour leur part, les Américains listent 69 400 cas de soldats ayant des troubles mentaux.

  • Les causes de l'obusite

Parce que ce sont des hommes et non des machines, presque tous les soldats ont, à un moment ou un autre, basculé dans une sorte de cafard ou jusqu'à la peur panique sans pour autant parler de folie. Comment ne pas s'affoler lorsqu’un obus éclate tout près du soldat le recouvrant de terre ou le déplaçant violemment quelques mètres plus loin ? Quelle douleur doit ressentir le soldat qui voit ses camarades, ses voisins ou ses amis affreusement blessés et/ou mutilés ? Le soir des batailles, nombre de soldats désorientés, apathiques, marchent devant eux tels des automates et se couchent n'importe où. Placés dans des conditions effroyables, confrontés au spectacle quotidien de la mort, les hommes sont tout simplement abrutis d'horreur. Certains hommes s'endorment sous les bombardements les plus violents, dernière parade du cerveau mis à trop rude épreuve. D'autres s'abandonnent à l'indifférence en ayant même plus la force de se jeter par terre lors de bombardements.

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  • Les symptômes de l'obusite

Les symptômes dus à l'obusite sont nombreux.

  • Anxiété implacable ;
  • Cauchemars ;
  • Crampes d'estomac ;
  • Diarrhée ;
  • Incapacité à fonctionner physiquement ; 
  • Incapacité de manger ou de dormir ;
  • Perte de la vue ;
  • Tics du visage.

    • Le point de vue médical militaire

    La quasi-majorité des médecins militaires pensent que ces soldats ont déjà des prédispositions pour devenir traumatisés. La guerre n'est qu'un accélérateur à l'apparition de cette maladie invisible. Par contre, ils sont assez divisés sur l'origine de ces troubles, que certains attribuent à la commotion et d'autres aux émotions ou à la prédisposition. À défaut de comprendre et de savoir soigner, les médecins classifient et inventorient. Devant le grand nombre, toujours croissant de cas, les médecins doivent se résigner et accepter à dire que la guerre peut provoquer certains troubles chez certains soldats. Ces troubles peuvent éventuellement survenir à la suite du surmenage et du manque de sommeil, ce qui peut conditionner un effondrement de la résistance du soldat. Dans ce cas, les médecins parlent de prédisposition acquise et non plus congénitale. Ainsi les Britanniques parlent de « Shell shock » dès 1915. Tandis que les Français, dont la psychiatrie de guerre est en retard, parlent de commotion cérébrale, de congestion médullaire, d'obusite ou de choc commotionnel. Face à cette situation, il faut innover. Bordeaux est à la pointe, à l'époque, avec le professeur Régis, médecin-chef du service neuropsychiatrique des armées. À partir de 1915, on met en place des centres de neuropsychiatrie avancés avec des neurologues et des psychiatres pour commencer à soigner ces troubles. C'est après ce premier diagnostic, ce premier filtre, que les cas les plus graves sont envoyés à l'arrière. Il faut parfois 1 mois avant que le souffrant soit transféré vers l'arrière ce qui a pour conséquence un ancrage profond de son traumatisme, qui va, par conséquent, devenir plus long à soigner.

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    Deux méthodes s'imposent dès le début des tentatives de traitement de ces drôles de malades.

    • Au service des hommes, des spécialistes préconisent la méthode douce, du repos, de la balnéothérapie, des massages et de la nourriture abondante.
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    • Au service de la patrie, ne voyant dans ces malades que des soldats défaillants que doivent rapidement regagner leurs postes, des spécialistes recommandent des méthodes brusquées. Ces méthodes sont essentiellement basées sur un traitement électrique +/- agressif. Dans ce cas, la douleur est censée amener le malade à quitter son état second où il s'est réfugié pour quitter la réalité des combats. Le médecin investi d'une mission patriotique autant que scientifique privilégie les méthodes qui lui permettent de concilier ces 2 exigences. Il en vient à tolérer la douleur et à la provoquer. Dans le torpillage, la douleur est le fondement du système : il faut faire mal ! À la douleur qui a provoqué le mal, il faut opposer la douleur qui guérit. Faire peur est le secret du torpillage. Le malade qui refuse le traitement électrique, appelé torpillage, est aussitôt perçu comme suspect et transféré au tribunal de guerre. Quant à celui qui ne guérit pas, il est considéré de mauvaise volonté. Il devient un odieux candidat à l'internement, à la simulation pas si inconsciente que cela. Certains malades se retrouvent ainsi exécutés alors qu'ils ne simulent absolument pas leur état physique et psychique.

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    Toujours au nom de la patrie, les traumatisés ayant bien réagi aux traitements sont renvoyés sur le front dans les plus brefs délais. Le médecin honnête reconnaît qu'il n'y a pas autant de guérisons que prévu. En moyenne 25 % des traumatisés se rétablissent +/- rapidement. Ils sont donc renvoyés au front sans savoir si une rechute est possible ou pas. Certains soldats déclarés aptes et de retour dans les tranchées reproduisent leur traumatisme dès les premiers jours qui suivent leur retour. Cela prouve bien que ce genre de maladie ne peut être soigné qu'à moyen ou à long terme.


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