La Grande Guerre

Les prisonniers de guerre civils et militaires

Entre 1914 et 1915

  • Les droits

Un prisonnier de guerre est avant tout un ennemi qui peut être soumis à un interrogatoire afin d'obtenir des informations par l'armée qui l'a capturé. Elle peut aussi lui prendre tout document ou papier qui a un rapport avec les opérations de guerre en cours. Toutefois, le prisonnier de guerre dispose d'un statut qui lui garantit normalement l'intégrité physique et morale à condition qu'il appartienne à une armée régulière et qu'il agisse en uniforme de son armée. Dans le cas contraire, il est très souvent considéré comme un espion et son traitement est radicalement différent. Le prisonnier peut être utilisé comme main d'oeuvre et mis à disposition des administrations et de particuliers. Cependant, les officiers prisonniers sont exemptés de travail et les sous-officiers ne peuvent qu'encadrer les soldats dans leurs travaux.

  • Les échanges

Lorsque le conflit commence en 1914, les états-majors allemands et français sont persuadés qu'il ne durera que quelques semaines. Rien n'est donc prévu pour interner les prisonniers de guerre. Dans les premières semaines de guerre, les prisonniers servent de monnaie d'échange. Ce n'est qu'à la fin de l'année 1914 avec la certitude que la guerre va durer que les états-majors allemands et français réalisent qu'ils doivent loger, nourrir et soigner les milliers de prisonniers détenus dans leurs camps. Les échanges spontanés de prisonniers des premiers temps sont interrompus. Dans les deux camps, on réfléchit au profil et au nombre de prisonniers que l'on va pouvoir s'échanger. Il n'est pas question de rendre des prisonniers qui pourraient reprendre immédiatement part au conflit. Cependant, cette première guerre moderne et ses très nombreux blessés obligent les deux camps à se mettre rapidement d'accord s'ils ne veulent pas se retrouver dépasser dans la gestion des blessés. Dans un premier temps, les échanges concernent les grands blessés qui ne pourront plus reprendre les armes. Toujours fin 1914, la France demande de nouveaux échanges à l'Allemagne pour récupérer les membres de son service de santé, tels que les ambulanciers, les infirmiers et les médecins, qui n'ont pas les mêmes pratiques en France qu'en Allemagne. Les Allemands acceptent à condition que ces échanges se fassent via la Suisse.

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Ainsi, plusieurs séries d'échanges s'organisent. Toutefois, à plusieurs reprises, les échanges sont interrompus lorsque l'un des deux belligérants ralentit ses transferts vers la Suisse suite à des problèmes de logistique. Les échanges reprennent le plus souvent suite à une grande bataille qui a provoqué une véritable hécatombe dans les deux camps. Fin 1915, le nombre d'officiers et de sous-officiers tués provoque une pénurie sans précédent dans les deux camps. Aussi, les Français et les Allemands tombent d'accord pour s'échanger plusieurs centaines d'officiers et de sous-officiers. Ces échanges de gradés se font jusqu'au printemps 1916, date à laquelle les Français et les Allemands décident l'internement de tous les gradés en Suisse. Cette décision provoque quelques embarras logistiques à la confédération helvétique qui ne dispose pas des infrastructures nécessaires pour interner tous ces prisonniers. Au mois de mars 1917, la Suisse refuse d'accepter de nouveaux internés par crainte d'être débordée. Si bien qu'en juin 1917, les échanges reprennent entre la France et l'Allemagne. Ce n'est qu'en 1918 que l'Allemagne demande à la France d'intégrer des prisonniers civils aux échanges. La France accepte à deux conditions. La première condition implique que l'Allemagne autorise les internés en Suisse à rentrer dans leur pays respectif. La deuxième condition est que la limite d'âge au rapatriement soit levée. Cela permettrait à la France de récupérer de nombreux hommes qu'elle pourrait mettre dans les usines. Les Allemands acceptent les deux conditions françaises. Seuls les officiers des deux camps restent internés en Suisse jusqu'à l'armistice.

  • Le Comité international de la Croix-Rouge

Le Comité international de la Croix-Rouge - CICR - joue un rôle primordial dans la vie des prisonniers de guerre. Tout d'abord, ce comité international reprend le relais des militaires et devient le négociateur principal entre la France et l'Allemagne pour l'échange des prisonniers. En cas d'échange, les prisonniers ne peuvent plus reprendre une part active au combat et signent un document sur l'honneur prouvant leur bonne foi. Étant méfiants, les deux belligérants commencent par s'échanger les grands blessés, les aveugles et les amputés s'assurant ainsi d'échanger des militaires incapables de reprendre leur poste d'avant leur emprisonnement. Ensuite, le CICR propose aux pays en guerre, la distribution de colis alimentaires - limités à 5 kilogrammes par colis - , composés la plupart du temps de biscuits, à tous les prisonniers de guerre. Sous la pression de leur opinion publique, les gouvernements en conflit acceptent les propositions du CICR et s'engagent à porter assistance à leurs soldats devenus prisonniers. Ainsi, rien que pour l'année 1915, 15 millions de paquets sont distribués dans de nombreux camps de prisonniers par les représentants du CICR. En plus d'assister les prisonniers de guerre, le CICR souhaite prêter assistance aux familles qui ignorent où leurs proches sont emprisonnés.

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Ainsi en août 1914, l'Agence internationale des prisonniers de guerre - AIPG - est créée et rattachée en tant que service au Comité international de la Croix-Rouge - CICR -. Son bureau est installé à Genève, en Suisse. Elle a pour but de retrouver les prisonniers et les déplacés de toutes nationalités, d'informer les familles et d'assurer le suivi des courriers et des colis entre les familles et les prisonniers. Pour parvenir à ses desseins, l'AIPG demande aux belligérants, qui ont accepté les services du CICR, d'établir des listes de leurs prisonniers par camp, d'autoriser des membres de la Croix-Rouge à mener des inspections dans les camps, d'accepter et de distribuer les colis destinés aux prisonniers. L'Allemagne est le premier pays à respecter ces conditions. Dès octobre 1914, le service de recherche de prisonniers est rapidement sollicité avec pas moins de 15 000 demandes de renseignements chaque jour. Elle transmet environ 7 000 lettres entre familles et prisonniers. La qualité des échanges avec les pays en guerre est très variable et les difficultés sont nombreuses. À nouveau, c'est l'Allemagne qui transmet les premières listes de ses prisonniers à l'AIPG, qui les transfère aux autorités françaises dès le 21 septembre 1914. Avec le nombre croissant de prisonniers internés principalement en Allemagne, en France, en Autriche et en Russie, 17 agences délocalisées sont ouvertes dans différents pays en guerre et neutre. À partir du mois de décembre 1914, le CICR envoie 41 délégués dans 22 pays à la fois pour relayer son action et pour vérifier la nourriture, l'hygiène, les conditions d'hébergement et les soins. Durant l'ensemble du conflit, 524 camps sont inspectés et documentés sous forme de rapports.

  • La convention de la Haye

Une réflexion internationale sur le sort réservé aux prisonniers de guerre s’engagea suite à la guerre de Crimée en 1856. Le tsar Nicolas II est à l’origine des deux conférences qui fixèrent les termes des lois et coutumes de la guerre à La Haye en 1899 puis en 1907. Un chapitre complet de la convention signée en octobre 1907 est entièrement consacré aux prisonniers de guerre et débute ainsi : « Les prisonniers de guerre sont au pouvoir du gouvernement ennemi, mais non des individus ou des corps qui les ont capturés. Ils doivent être traités avec humanité. Tout ce qui leur appartient personnellement, excepté les armes, les chevaux et les papiers militaires, reste leur propriété. » Les principaux pays de l'axe et des alliés signèrent la convention, à l’exception de l’Empire ottoman qui ne figurait pas parmi les quarante-quatre signataires de 1907. Les stipulations de La Haye entrèrent en application en Allemagne et en France le 26 janvier 1910. Cependant, la convention de La Haye s’avère inadaptée face à l’ampleur de la Grande Guerre. En octobre 1918, les Allemands ne peuvent respecter toutes les clauses de la convention suite au nombre élevé de prisonniers présents dans leurs camps.

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Dès 1915, les camps allemands

  • Les camps classiques

Même si le fait d'être prisonnier évite de mourir au front, cela n'est pas pour autant très réjouissant. Avec plus de 2 millions de prisonniers à l'annonce de l'armistice, l'Allemagne détient le plus grand nombre de captifs. D'après les relevés des camps allemands, un tiers des prisonniers proviennent de France, un tiers de Russie et un tiers d'Italie, de Belgique et de Grande-Bretagne. En comparaison, la France compte un peu moins de 530 000 soldats allemands dans ses camps. Au total, on estime que 7 millions de soldats seront prisonniers durant la Grande Guerre. Devant cet afflux ingérable de prisonniers, les Allemands sont rapidement dépassés. Les autorités allemandes réquisitionnent des forts, des écoles, des granges, et quantité d’abris divers pour y loger les prisonniers. L'hiver 1914-1915 est très dur pour les captifs dormant sous des tentes de toile ou dans des hangars. En plus du froid, le manque d'hygiène et surtout le problème des sanitaires sont très préoccupants. L'année 1914 se termine malgré tout sans véritable épidémie.

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Dès le début de l'année 1915, plus de trois cents camps sont construits en Allemagne et dans les territoires occupés. Ces camps sont composés de baraques en bois dans lesquelles les prisonniers dorment sur des paillasses. Chaque baraque standard a une longueur de 50 mètres et une largeur de 10 mètres. Le toit est recouvert de papier goudronné. L’ameublement reste très sommaire. Une baraque est souvent composée d'une table, de chaises ou de bancs et d'un poêle. Selon les directives officielles, chaque prisonnier doit disposer de 2,5 m². En général, les prisonniers sont logés par nationalité. Les camps allemands ne disposent en général que d'un robinet dans la cour pour des milliers de prisonniers. Les latrines ne sont qu'une simple planche percée au-dessus d'une fosse que les prisonniers doivent vider régulièrement. Du fait de leur caractère archaïque, ces latrines débordent souvent lors des fortes pluies, faisant régner une atmosphère irrespirable dans le camp. Certains camps possèdent des locaux culturels tels qu'une bibliothèque ou une salle de théâtre. D'autres ont la chance de posséder une infirmerie. Tout autour de chaque camp, des fils de fer barbelés de trois mètres de haut sont érigés selon une réglementation militaire. Ainsi, les fils sont espacés de quinze centimètres, un poteau de bois est fixé tous les trois mètres, et en travers d’autres fils de fer barbelés sont placés tous les cinquante centimètres afin de former un grillage. Dans la plupart de ces camps, les clôtures sont renforcées grâce à un courant électrique à haute tension compris entre 5 et 10 000 volts.

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À peine terminés, ces camps doivent faire face à un autre problème de taille : le ravitaillement. Dès le 25 avril 1915, un règlement officiel concernant les rations des prisonniers est envoyé dans tous les camps. La ration quotidienne de chaque prisonnier est fixée comme suit :

  • ? grammes de sucre ;
  • ? grammes de viande ;
  • 300 grammes de légumes ;
  • 350 grammes de pain par jour.

Avec l'afflux continu de prisonniers et l'embargo maritime britannique, les quantités des rations sont progressivement diminuées. En 1917, les Allemands ont besoin de 500 tonnes de pain chaque jour pour alimenter les prisonniers. Pour pallier ce problème de ravitaillement, les Allemands utilisent des ersatz - produits alimentaires qui remplacent un autre produit de qualité supérieure - qui n'ont pas spécialement très bon goût. De la soupe claire, quelques morceaux de navet ou d'épluchures de légumes ou un brouet de pommes de terre constituent le plat journalier. Les prisonniers tentent de se débrouiller pour améliorer l'ordinaire en travaillant comme commando agricole. Ceux-ci sont alors nourris par le fermier. D'autres prisonniers ont la chance de recevoir des colis alimentaires envoyés par la famille. Ces colis, mettant entre douze et vingt-cinq jours pour arriver, ne doivent pas contenir des denrées rapidement périssables et doivent être facilement contrôlables. Pour d'autres par contre, tels les Italiens, leur pays refuse de leur envoyer des colis alimentaires sous prétexte qu'ils sont suspectés de désertion. Le gouvernement italien entrave même l'envoi de colis et de courriers provenant des familles. De ce fait, le gouvernement allemand recense 10 000 Italiens prisonniers décédés dans les camps allemands au courant du conflit. Ce chiffre ne prend pas en compte les nombreux italiens prisonniers décédés dans les camps austro-hongrois. Pire encore est la situation des Russes qui ne reçoivent aucun colis de leur famille et encore moins de leur pays. Quant aux Roumains, traités avec sévérité pour les punir de leur intervention dans le conflit, en 1916, au côté des Alliés, leur sort relève du martyre.

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Lorsque le manque de nourriture ne tue pas, les épidémies de typhus et de tuberculose s'en chargent. Le confinement des logements et le nombre de prisonniers par baraque, qui est en moyenne de 250, expliquent en partie le phénomène, car l’atmosphère viciée se renouvelle très peu. Le combat contre les poux est au centre des mesures à prendre en employant des crèmes dépilatoires et en désinfectant les pièces. Les vaccins sont également à l’ordre du jour. Des cimetières sont progressivement ouverts près des camps afin d’enterrer les prisonniers décédés. Les survivants mettent un point d’honneur à soigner les dernières demeures de leurs camarades. Le plus souvent, chaque nationalité a son carré réservé. Il y a également le cafard, une forme de folie que les médecins nomment « la psychose des barbelés ». Les symptômes de cette psychose sont une baisse de la concentration, la dysmnésie, l'insomnie, l'apathie mentale, l'émoussement des émotions, l'irritabilité et la propension aux querelles. Certains de ces symptômes disparaissent avec la libération suivie du rapatriement. D'autres, tels que la baisse de la concentration et l'irritabilité perdurent plus longtemps.

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Pour les prisonniers qui en sont encore capables, les Allemands les envoient travailler dans des usines d'armement ou dans des champs. Loin d'être des traîtres à la patrie, ces hommes trouvent ainsi une occupation qui les empêche d'avoir le cafard. En effet, le cafard est le plus grand ennemi des prisonniers après les maladies. Chaque instant passé dans un camp permet aux prisonniers de penser à leur famille, leurs amis, leur bataillon dont ils n'ont plus aucune nouvelle. Afin de lutter contre cette mélancolie, certains prisonniers sont volontaires pour travailler et d'autres s'organisent pour mettre en place des activités. Ainsi dans le camp d'Hammelbourg, en Bavière, le journal « l'Exilé » est mis en place afin de communiquer sur les activités offertes aux prisonniers. Ce journal est bien entendu soumis à la censure allemande, mais il permet de s'occuper. Dans d'autres camps, des représentations théâtrales s'organisent. À partir de 1915, les Allemands autorisent les prisonniers à rédiger, sur une carte prévue à cet effet - de format 13 x 10 centimètres et portant la mention « Correspondance des prisonniers de guerre », un mot à leurs proches dès leur arrivée dans au camp. En plus de rassurer les proches du prisonnier, cette carte est censée permettre au pays d'origine de tenir sa propre comptabilité.

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Dès 1915, suite aux rapports rédigés par des délégués suisses qui visitent les camps, le gouvernement français se plaint au gouvernement allemand des conditions de travail de ses ressortissants. En effet, rien que dans l'usine Krupp de Rheinhausen, 10 % des 500 prisonniers français qui y travaillent sont soit malades, soit blessés. Ce taux est encore plus élevé dans les mines où, par manque de bois et donc de sécurisation des galeries, les accidents sont fréquents. Le gouvernement allemand réagit en demandant aux chefs des camps de répartir les travailleurs en fonction de leur état de santé et de leur qualité professionnelle. De plus, le gouvernement allemand renforce les soins médicaux qui sont prodigués par les services sanitaires qui sont de qualité. Les employeurs industriels allemands qualifient souvent les français prisonniers de main d'oeuvre peu rentable vu leur manque de motivation et leur manque de qualification. En 1918, malgré ces constatations, 750 000 prisonniers sont employés dans l’agriculture et 330 000 dans l'industrie.

  • Les camps de représailles

À la différence de nombreuses armées européennes, l'Allemagne n'a pas aboli les châtiments corporels aux hommes de non-droits. Par conséquent, chaque commandant de camp tolère une certaine forme de violence de ses hommes envers les prisonniers. Dans les camps de représailles, ces violences sont hors normes. Ces camps sont très souvent situés dans des régions dont le climat rend la vie difficile. Ils sont généralement à proximité des lignes de front où les prisonniers peuvent rapidement être envoyés à la reconstruction des tranchées ou à charrier les corps des soldats tués. Le but premier de ces camps est d’exercer une pression sur les pays ennemis - France et Russie - pour que les conditions de détention des prisonniers allemands s’améliorent. Le second but de ces camps est de punir certains prisonniers. Le plus souvent logés sous des tentes, au milieu de la boue, les prisonniers sont astreints à un travail épuisant avec pour toute nourriture de la soupe et occasionnellement de la décoction de glands. La vie dans ces camps y est si dure que beaucoup de prisonniers y meurent.

  • Les prisonniers civils

En plus des prisonniers militaires, les Allemands emprisonnent également des civils. Après l’invasion de la Belgique et du nord de la France, l’armée allemande commence par prendre des notables en otage dont 100 000 sont déportés vers l'Allemagne. Ces civils sont envoyés dans des camps en Prusse et en Lituanie. Ils forment alors les Zivilarbeiter-Bataillone - les bataillons de travailleurs civils - et portent un brassard rouge comme signe distinctif. Les prisonniers civils, qui ne sont pas déportés, sont forcés de travailler pour l'effort de guerre allemand en reconstruisant principalement des routes, des voies de chemin de fer détruites lors des bombardements. D'autres civils tels les Russes et les Roumains sont par la suite également déportés pour remplacer la main d'oeuvre qui fait défaut en Allemagne. Tout comme les prisonniers militaires, les prisonniers civils sont concernés par les échanges.

Dès 1914, les camps français

  • Les camps classiques

Les captures de soldats allemands proviennent essentiellement des grandes offensives de la Marne en 1914, en Champagne en 1914-1915 et de la Somme en 1916. Au total, 530 000 Allemands sont faits prisonniers durant la guerre. Par entente avec la Russie, les prisonniers alsaciens, lorrains et polonais capturés sur le front de l’est sont transférés en France où ils bénéficient de conditions privilégiées. La nationalité française est accordée aux Alsaciens et aux Lorrains qui acceptent de s’engager dans l’armée française. Ainsi, 17 650 d'entre eux acceptent et sont envoyés sur le front d'Orient ou dans la marine pour leur éviter d'être repris par les Allemands sur le front de l'Ouest. Les autres deviennent des travailleurs de l'effort de guerre français afin de ne pas devenir une charge supplémentaire pour le peuple français et aussi pour pallier au manque d'ouvriers et d'employés mobilisés dans l'armée française.

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Les premiers prisonniers allemands sont rapidement transférés vers l'arrière afin d'y être interrogés. Le haut commandant français est avide de connaître les plans de l'ennemi faute de se renseigner lui-même. Si une partie des soldats allemands détenus reste stationnée à l’arrière, la majeure partie est généralement envoyée dans l'un des 500 sites de détention répartis partout en France. Ces sites présentent un niveau de confort très variable. Néanmoins, chaque site doit être pourvu d'un local chauffé et d'un éclairage suffisant pour permettre la lecture et la rédaction de courriers. Les officiers allemands bénéficient de nombreux avantages à commencer par être autorisé à garder leur sabre. Ils logent généralement dans des châteaux ou dans des maisons de maître. Ils sont très bien nourris et traités comme des hôtes. Ils ont droit à une douche chaude par semaine. En échange, ils sont assignés à résidence et donnent leur parole de ne rien tenter pour s'évader. Outre ces 500 sites pour soldats, 5 056 prisonniers allemands sont envoyés au Maroc comme main d'oeuvre pour effectuer des travaux publics. 4 685 prisonniers allemands supplémentaires sont envoyés et répartis entre l'Algérie et la Tunisie. Une partie de ces prisonniers sont employés comme ouvriers agricoles remplaçant les indigènes mobilisés. En France comme dans les colonies, les prisonniers sont utilisés comme main d’oeuvre de manière à pallier le manque de bras lié à la mobilisation massive pour les combats. À la suite de protestations du gouvernement allemand, motivées par les difficultés climatiques, les maladies et la torture, ces prisonniers sont rapatriés en France.

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Dès le mois de septembre 1914, une circulaire ministérielle française fixe les rations minimales quotidiennes des prisonniers.
Tout prisonnier a droit quotidiennement à :

  • 7 grammes de café ;
  • 8 grammes de sucre ;
  • 250 grammes de viande par jour de travail ou pour un blessé ;
  • 700 grammes de pain par jour de repos ;
  • 850 grammes de pain par jour de travail ;
  • 1 000 grammes de légumes.

À cette liste s'ajoutent la graisse, le beurre et l'eau potable qui ne sont pas quantifiés. Les prisonniers en bonne santé sont mis à la disposition d’employeurs français tenus par un cahier de charges détaillé par lequel ils s’engagent à fournir la nourriture, la boisson, le savon, le chauffage et l’outillage nécessaire au travail demandé. De plus, ces employeurs s'engagent au paiement minimum de 15 centimes par jour, augmenté de primes de rendement qui peuvent atteindre 1 franc. Rapidement, les employeurs français constatent les savoir-faire et l'efficacité de certains spécialistes allemands prisonniers. Certaines fabrications inexistantes jusque-là voient le jour grâce à des spécialistes allemands qui sont recrutés pour combler le retard industriel français. Ces spécialistes n'oeuvrent pas pour la France mais pour leurs prochains. Grâce à ces spécialistes, la France produit des bouteilles thermos et des thermomètres médicaux qui font défaut dans les hôpitaux. D'autres procédés de fabrication connaissent des améliorations significatives comme le laminage de l'aluminium, la fabrication de la porcelaine ou encore la fabrication de la céramique. D'autres prisonniers allemands exposent à leur employeur de nouvelles méthodes de travail permettant de diminuer considérablement les coûts de fabrication des verres de lampes ou des jumelles. En décembre 1915, 800 prisonniers allemands construisent une poudrerie. À partir de mai 1916, non seulement des prisonniers allemands construisent d'autres usines, mais ils sont également affectés aux chaînes de production.

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Fin 1917, 48 000 prisonniers sont employés dans l’agriculture, 36 000 dans les industries d’armement, 40 000 dans le transport et 42 000 dans les mines et les travaux publics. Au fil des années, la main d'oeuvre allemande devient indispensable à l'économie de guerre française, ce qui ne manque de provoquer des tensions gouvernementales avec les défenseurs des droits des ouvriers français qui sont délaissés au profit des ouvriers allemands. Concernant la correspondance, chaque prisonnier est autorisé à envoyer 4 cartes postales et 2 lettres - de maximum 6 pages et limité à 20 grammes pour respecter la franchise postale - par mois qu'il soit employé ou non. Le suivi médical des travailleurs prisonniers est assuré par des médecins militaires qui effectuent des visites régulières.

Le service de santé militaire français prend en charge l'ensemble des soldats sans distinction d'uniformes. Ils sont tous transportés dans les mêmes ambulances, mais pour garantir la sécurité des uns et des autres, ils sont hospitalisés dans des établissements différents. Au début du conflit où tout est quasi improvisé, ces établissements sont d'anciennes usines reconverties et des écoles transformées. Certains blessés sont même envoyés dans les colonies comme le Maroc. En février 1916, le ministère de la Guerre confie au général Jacquillat le tout nouveau poste d'inspection générale des prisonniers de guerre. Ce poste reprend le service des prisonniers et perdure jusqu'au 19 mai 1918.

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À l'approche de la fin de la guerre, le gouvernement français se sert des prisonniers allemands comme d'otages pour obtenir des Allemands leur soumission aux exigences françaises du traité de Versailles. Les prisonniers allemands en France ne sont donc pas libérés le jour de l'Armistice. Ils sont encore, après la fin de la guerre, utilisés par les Français comme main-d’oeuvre de qualité et bon marché. Les familles allemandes ne manquent pas de se plaindre et le pape Benoît XV finit par intervenir à la fin de l'année 1919. Les premiers rapatriements commencent en janvier 1920, mais c'est la République de Weimar qui devra supporter les coûts et fournir les moyens de transport pour rapatrier ses soldats. Au total, 22 000 à 25 000 prisonniers allemands sont morts dans les camps français.

  • Les prisonniers civils

Environ 50 000 civils allemands et austro-hongrois sont internés dès le début de la guerre. La plupart d'entre eux sont des fonctionnaires d’Alsace-Lorraine capturés lors de l’entrée de l’armée française en Alsace en 1914. Dès la fin du mois d'août 1914, un service se charge du recensement de ces civils. Progressivement, les femmes, les enfants et les hommes de plus de 50 ans sont libérés. Ainsi, lors de l'armistice, il ne reste que 15 000 civils dans les camps français.

Dès 1914, les camps russes

  • Les camps classiques

Les camps de prisonniers russes comprennent 1,8 million d'austro-hongrois, 160 000 Allemands, 60 000 Ottomans et 670 Bulgares. Avec l'Allemagne, la Russie est le pays ayant le plus de prisonniers de guerre. Le nombre important d'austro-hongrois provient des défaites de la bataille de Lemberg en 1914, du siège de Przemyśl en 1914-1915 et du recul du front autrichien en 1916 lors de l'offensive Broussilov. Il faut également tenir compte des défaillances de certaines unités qui n'hésitent pas à se rendre spontanément.

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Les camps russes détiennent le plus grand taux de mortalité avec 17,6 % des prisonniers qui y décèdent. En comparaison, le taux de mortalité est de 7% dans l'empire austro-hongrois, de 5,3 % en France et 3,5% en Allemagne. Paradoxalement, la Russie est de loin le pays qui traite le mieux ses prisonniers. Elle adopte volontairement des initiatives pour améliorer leur vie. De plus, elle coopère activement avec les organisations internationales. Ce taux très élevé de mortalité est dû au manque de préparation de la Russie qui ne possède aucun camp prévu pour recevoir des milliers de prisonniers en 1914. Aussi, les Russes réquisitionnent des granges, des usines désaffectées et des maisons privées. Le climat très rude, les conditions compliquées de transport vers les centres de détention situés au Caucase, en Ukraine ou dans les Balkans sont le second élément qui explique ce taux élevé de mortalité. Les maladies, dont le typhus, constituent le troisième élément. Les rations alimentaires et les conditions de vie, très variables, sont fonction de la nature du travail et du hasard des affectations plus que de l’origine ethnique. Contrairement aux idées reçues, de nombreux témoignages affirment que les Russes ne torturent pas et ne persécutent pas leurs prisonniers.

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À partir de 1916, la mortalité baisse après l'aménagement de camps et les changements d’organisation qui améliorent les conditions sanitaires. Les travaux pour l'effort de guerre russe se mettent également en place. 1 640 000 prisonniers sont utilisés dans l'industrie, 460 000 dans l'agriculture et 140 000 dans les travaux de voirie. Les prisonniers allemands, autrichiens et hongrois sont souvent envoyés en Sibérie pour travailler dans les mines et les chantiers de construction. Parmi les prisonniers austro-hongrois, les Slaves sont privilégiés et logés à part. Leur loyauté envers l'empire austro-hongrois et ses dirigeants est très discutable. Aussi, les autorités russes leur proposent de s'enrôler dans des brigades russo-slaves. Environ 10 % des prisonniers slaves s'y enrôleront tout au long du conflit. En 1916, l'alimentation des prisonniers s'améliore aussi de par l'obligation des employeurs de les nourrir correctement et surtout grâce à l’assistance apportée par l’Allemagne et l'Autriche-Hongrie à leurs ressortissants.

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Le traité de Brest-Litovsk, signé le 03 mars 1918, prévoit la libération des prisonniers. Les premiers austro-hongrois libérés regagnent l'Autriche-Hongrie dès le mois de juillet 1918. À leur arrivée, ces anciens prisonniers sont aussitôt réincorporés dans l'armée austro-hongroise après une quarantaine de 3 semaines, un interrogatoire et une permission de quatre semaines.


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