La Grande Guerre

Les permissions, la récompense des combattants

Du côté allemand

  • Une fois par an

Les soldats allemands doivent attendre un an pour obtenir une permission de quinze jours hors délai de route.

Du côté britannique

  • Dix-huit mois

Les permissions chez les Britanniques sont plus rares que chez les Français. Ainsi, en 1917, le haut commandement est informé que 107 000 soldats n'ont pas eu de permissions depuis dix-huit mois et que 400 000 soldats n'en ont pas bénéficié depuis 12 mois. Malgré cela, le taux d'insubordination et d'insoumissions reste le plus bas dans l'ensemble des armées alliées. Cela s'explique à la fois par la crainte de certains officiers britanniques et par le fait que d'autres officiers savent prendre soin de leurs troupes. Ainsi, lors des périodes de repos, des distractions comme les spectacles de music-hall et des challenges sportifs, sont organisés. Quoi qu'il en soit, le haut commandement met en place des permissions, de dix jours hors délai de route, plus régulières pour les soldats britanniques. Pour les soldats de l'Empire, il est compliqué de leur proposer un retour dans leur pays.

Du côté français

  • Au départ, rien n'est prévu

La guerre étant prévue de courte durée, aucune permission n’est envisagée au cours de l'année 1914. Ce n'est qu'à partir de 1915, avec la prise de conscience que la guerre sera longue, que les états-majors commencent à envisager d’accorder des permissions, d'autant plus que des cas de désertions apparus en novembre 1914 les inquiètent. Ainsi, à partir du printemps 1915, les agriculteurs de plus de 34 ans sont autorisés à rentrer chez eux pour les récoltes. Chaque agriculteur bénéficie d'une permission débutant en fonction du calendrier spécifique de chaque culture. Les soldats des unités non combattantes de la zone de l’intérieur sont également autorisés à rentrer chez eux, à partir du 16 octobre 1915, les week-ends et les jours fériés. Cela permet aux commerçants et entrepreneurs de régler leurs affaires et de faire tourner l'économie nationale. Au 1erjuillet 1915, les permissionnaires bénéficiant de deux à six jours de congés, hors délai de route, représentent 3 à 4 % des militaires. À partir du 1er octobre 1916, une loi donne droit aux militaires à trois permissions annuelles de sept jours hors délai de route. Cette loi est à nouveau modifiée le 1er octobre 1917 et allonge les trois permissions à dix jours hors délai de route.

Crédit photo : DP
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Le 15 mai 1917, le général Pétain succède au général Nivelle comme chef des armées françaises. Sa première tâche, en tant que commandant des armées, est de stopper les mutineries qui se multiplient dans les zones de l'arrière. Afin de calmer les mutins, il prend une série de mesures améliorant le quotidien des soldats. Parmi ses mesures, il insiste sur l'amélioration des cantonnements et de la qualité de la nourriture. Il comprend très vite l'importante des permissions, réclamées par la plupart des mutins. Sur ce dernier point, il se montre très généreux en accordant par exemple huit jours de permissions à une division entière qui s'est particulièrement distinguée au combat. Il impose à ses commandants un taux de 13 % de permissionnaires durant les périodes d'accalmie. Les suspensions de permissions pendant les offensives qui nécessitent des effectifs complets sont compensées par un accroissement jusqu’à 25 % pendant les périodes d’accalmie. Ses mesures sont acceptées par la plupart des mutins et très appréciées par les non-mutins.

  • Les voyages

En 1915, les premiers permissionnaires voyagent en trains commerciaux qui ne sont pas impactés vu le faible taux de permissions accordées. Ce n'est qu'à partir de 1916 que les difficultés arrivent pour assurer le transport des permissionnaires. En effet, les voies ferrées sont saturées par les besoins du ravitaillement des armées. De plus, le nombre de permissionnaires a explosé. Des trains spéciaux sont alors mis en place à partir du front jusqu’aux principales gares du pays à partir desquelles les permissionnaires peuvent gagner leur foyer par les trains commerciaux réguliers. Tous les permissionnaires bénéficient d'indemnités de vivres et de voyage. Cependant pour toucher leurs indemnités de voyage, ils doivent obligatoirement de prendre ces trains spéciaux. Ces convois sont surchargés, circulent lentement sur un réseau encombré, les wagons sont sales et en mauvais état. Des cantines sont aménagées dans des gares de transit, mais elles sont insuffisantes. Ces conditions de voyage difficiles provoquent des mécontentements parmi les permissionnaires qui n'hésitent pas à se défouler au passage.

  • Les occupations

Paris, la capitale française, reste un lieu de transit pour beaucoup de provinciaux. Paris est un important centre de séjour de permissionnaires. On y dénombre 5 500 soldats en avril 1916 et 38 500 en juillet 1917. On estime que quatre millions de permissionnaires ont visité Paris au cours de la guerre. Cependant, le simple soldat a une solde qui ne lui permet pas de loger dans un hôtel. Aussi, certains permissionnaires en transit à Paris sont réduits à dormir sur les bancs publics ou à même le sol. Pour beaucoup, le retour est un moment de tension identitaire. Certains sont partis depuis plus d’un an quand ils obtiennent leur première permission. La vie sociale a fortement changé avec entre autres la féminisation de certains métiers. Des femmes en uniforme conduisent les tramways, d'autres sont vêtues d'une salopette et travaillent dans l’industrie lourde. Cette fragilisation des positions masculines, les permissionnaires en font l’expérience au sein même de leurs foyers et de leurs couples. Alors que la permission porte en elle des perspectives de retrouvailles ou de conquête amoureuse, très présentes dans l’imaginaire combattant, le retour reste marqué par de nombreuses frustrations. La crainte de l’infidélité féminine est très ancrée chez les combattants. Certains se gardent ainsi d’annoncer la date de leur arrivée en congé, quand d’autres prolongent illégalement leur séjour pour mener l’enquête. Pour les soldats coloniaux, c’est un moment de solitude. Des foyers les hébergent à Paris et des camps ont été aménagés à Fréjus et à Saint-Raphaël pour les coloniaux africains ou marocains qui vivent dans des conditions déplorables. Les permissionnaires, conscients du manque d’hygiène et de l’apparence négligée qu’ils renvoient, prennent d’assaut les rares coiffeurs installés dans les gares de transit. Ils s’attachent à soigner l’image qu’ils vont renvoyer et qui passe aussi par le port de décorations militaires, dont la valeur distinctive a plus de poids au sein des communautés civiles qu’au front.

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Pour les civils, les permissionnaires sont des porteurs de nouvelles du front. Ils sont aussi des vendeurs potentiels d'objets provenant du front. Parmi ces objets, on peut citer les pistolets automatiques allemands, trophées très prisés. Les objets artisanaux, fabriqués pendant les périodes de repos, sont également très recherchés. En décembre 1917, le déraillement d’un train de permissionnaires en provenance d’Italie fait plus de huit cents morts, dans ce qui reste la plus grande catastrophe ferroviaire française. Ce lourd bilan est en partie imputable à l’explosion de nombreuses munitions, dont des grenades, transportées par les permissionnaires. À la suite de cet accident dramatique, des règlements sont créés et interdisent le transport d’objets dangereux comme les explosifs dans les trains des permissionnaires. Des contrôles de police sont mis en place dans ces trains et les gares de transit. Ce trafic d'objets atteint son apogée en été 1918 alors que la fin de la guerre semble proche. Alors que l'intensité des combats décroît, nombreux sont les soldats du front qui deviennent artisan pour répondre aux demandes de l'arrière. Quitte à rentrer à la maison, autant le faire avec un peu d'argent qui aidera la famille à subsister.

  • Les retours

Après avoir passé ces quelques jours loin de la guerre, chaque permissionnaire prend le chemin du retour. Le long et pénible retour en train permet une transition plus facile vers le front. Afin de ne pas pénaliser un permissionnaire en retard suite à des problèmes liés au transport, les états-Majors décident qu'un déserteur est un soldat qui a un retard de plus de deux jours après une permission. Malgré la tentation, les désertions sont rares. Une fois qu'il réintègre son bataillon, chaque permissionnaire raconte ses expériences et témoigne de ce qu'il a vu à l'arrière. Il donne des nouvelles des familles qu'il y a rencontrées, il remet les courriers des familles qui échappent ainsi à la censure. Enfin, il offre, très souvent, à boire et à manger - un plat familial - qu'il a spécialement ramené de l'arrière pour ses compagnons d'armes. Ces pratiques contribuent à la fois à renforcer la cohésion d'un groupe et à lutter contre le cafard aussi bien pour les soldats restés au front que le permissionnaire qui y revient.


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