La Grande Guerre

La contribution des chiens à la Grande Guerre

Les réquisitions

  • Du côté allemand

Bien avant le début du conflit, les Allemands ont compris l'intérêt d'avoir des chiens dressés au sein de l'armée. Dès 1895, plusieurs régiments de chasseurs à pied avaient intégré des chiens-loups de Poméranie, des dalmates et des bergers. Les chiens militaires servaient déjà en complément des systèmes de garde et de protection. Au déclenchement du conflit mondial, les Allemands mobilisent leurs chiens militaires au même titre que les soldats. Ainsi, les Allemands ont 6 000 chiens dressés pour des missions militaires. Lors de l'invasion de la Belgique, la garde des chenils mobile suit les troupes au côté de l'intendance. Sur 1 678 chiens envoyés sur le front de l'ouest, 1 274 sont des bergers allemands. En plus de ces chiens, les Allemands confisquent les chiens militaires belges qui sont très appréciés vu leur niveau exceptionnel de dressage. Des estimations chiffrées font état de 30 000 chiens de guerre du côté des Allemands.

  • Du côté belge

Bien avant le début du conflit, la Belgique dispose d'élevages de chiens militaires très développés. Le service canin de l'armée belge excelle principalement dans l'élevage des chiens de trait et réalise même des manuels de dressage des chiens de guerre. Chaque chien de trait a son conducteur attribué. Chaque chien de liaison à ces deux maîtres.

La Belgique est la première nation à employer des chiens à des fins militaires.

  • Du côté britannique

Tout comme les Belges, les Britanniques disposent d'élevages de chiens militaires bien développés avant d'entrée en guerre. Aussi, lorsque les Britanniques débarquent en France, ils arrivent avec leurs chiens capables de retrouver les blessés britanniques sur le champ de bataille.

  • Du côté français

En 1914, l’armée française, qui doute de l’efficacité des chiens sur des champs de bataille, n'en possède aucun. À l'entrée en guerre, c'est la société nationale du chien qui la dote de 250 chiens sanitaires. Il faut ensuite attendre le 29 septembre 1915 pour que le ministre de la Guerre, Alexandre Millerand, approuve l'utilisation des chiens dans l'armée française. L’usage des chiens de guerre devient ainsi officiel au mois de décembre 1915 avec la création du service des chiens de guerre au sein de la direction de l’infanterie française. Paradoxalement, le ministre de la Guerre s'oppose à la formation de maîtres canins militaires. Ce sont donc les sociétés civiles qui doivent dresser et former les futurs chiens militaires français.

Un centre de dressage
Crédit photo : ECPA
Un centre de dressage
Crédit photo : ECPA
Un centre de dressage
Crédit photo : ECPA
Un chenil pour chiens de guerre
Crédit photo : BNF

Pour combler le déficit en chiens de l'armée, les centres canins recrutent - selon une série de critiques - les chiens offerts ou prêtés par les civils. Après leur dressage et selon leurs aptitudes, les chiens sont formés pour devenir des sentinelles, des chiens de liaison, des chiens de patrouille, des chiens de montagne ou des chiens de trait pour les plus costauds. Il faut attendre 1917, pour que le nouveau ministre de la Guerre, Hubert Lyautey, crée le service des chiens de guerre. Ce service comprend rapidement 9 000 chiens formés. Un chenil central militaire est même créé à Satory, près de Versailles. Chaque chien militaire reçoit un matricule et est doté d'un carnet militaire.

Les besoins alimentaires

  • Du côté français

À la différence des chevaux et des mulets, les chiens sont peu exigeants. La ration quotidienne d'un chien est fixée à 1 kg de nourriture par 25 kg du poids de l'animal.
Cette ration est composée de :

  • 400 à 500 gr de viande ;
  • 400 à 500 gr de pain ;
  • Complété par du riz ou des pâtes.

Les soins quotidiens

  • Du côté allemand

Les chiens médicaux jouissent d'une grande réputation, mais malgré cela ils n'ont pas droit à des soins particuliers. Il faut attendre 1916 et la création d'un centre de dressage de chiens, la War Dog School, pour voir les chiens soignés dans des centres hospitaliers qui leur sont réservés. En décembre 1916, des instructions sur l'alimentation et les soins des chiens sont envoyés à tous les vétérinaires et maîtres-chiens. Ces instructions stipulent que tout chien blessé doit être soit soigné par le vétérinaire de troupe si les blessures sont bénignes, soit par l'École vétérinaire grand-ducale d'Iéna si les blessures sont plus sévères. Les soins vétérinaires, les vaccins et les médicaments nécessaires aux soins des chiens blessés sont fournis gratuitement par l'état. De leur côté, les troupes allemandes prennent soin de leurs chiens en fabriquant des niches, en les alimentant correctement et en recrutant des vétérinaires qui suivent les troupes dans leurs déplacements.

Un hôpital pour chiens
Crédit photo : DP
Un hôpital pour chiens
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Une consultation vétérinaire des chiens militaires allemands
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Des chiens en promenade
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  • Du côté français

Chaque chien a besoin de soins réguliers. Il a besoin d'être brossé, lavé et désinfecté contre les poux. À l'arrière, la plupart des chiens ont droit à une niche avec un sol en bois. Au front, les chiens sont confrontés aux mêmes conditions que les hommes, c'est-à-dire la boue, le froid et les poux. Le plus souvent, ils dorment sur une litière où grouille la vermine. Contrairement aux soldats qui ont droit à des moments de repos à l'arrière, les chiens restent en premières lignes. Ils ne sont ramenés à l'arrière qu'en cas de maladie ou de blessure.

Un chien prenant son bain
Crédit photo : ECPA
Un test sur un chien
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Le nourrissage des chiens
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Un chien prenant son bain
Crédit photo : ECPA

Les rôles des chiens

  • Du côté allemand

En 1889, l'association canine berger allemand voyait le jour. Son rôle était de préparer des chiens pour des missions spécifiques en cas de guerre. C'est ainsi que les chiens policiers et les chiens de défense font leur apparition. Lors de son entrée en guerre, l'Armée allemande mobilise ces sections canines au même titre que les autres. Les chiens réquisitionnés sont confiés à la garde des chenils mobiles. Très respectueux de leurs chiens, les Allemands organisent un service chargé d'enterrer les chiens morts au combat. Une fois la Belgique envahie, les Allemands vont s'inspirer des attelages de chiens belges pour fabriquer leurs propres attelages utilisés principalement pour ravitailler les soldats dans les tranchées. Un attelage allemand, composé de deux chiens, peut tirer entre 100 et 150 kg de matériel.

Un chien ravitalleur allemand
Crédit photo : Bundesarchiv
Un chien de liaison apporte un repas
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Des chiens sanitaires allemands
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Un chien messager allemand
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Avec le nombre effroyable de victimes allemandes sur les différents fronts, le ministère prussien de l'Intérieur ordonne à toutes les administrations de police de dresser tous les chiens policiers comme chiens médicaux. Le 21 août 1914, le ministère de la Guerre ordonne le premier recrutement de maîtres-chiens médicaux. En avril 1915, 1 698 équipes de chiens de recherche de blessés sont opérationnelles. Durant ce temps, l'association canine allemande continue à former des chiens et des maîtres-chiens. Fin 1916, l'association met à la disposition de l'administration militaire 2 600 maîtres-chiens et 3 200 chiens supplémentaires. Les chiens médicaux, souvent cités dans les journaux et dans des reportages, jouissent d'une grande popularité auprès de la population civile.

Des infirmiers allemands et leurs chiens
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Un officier allemand et son chien sentinelle
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Des soldats allemands et leurs chiens de liaison
Crédit photo : DP
Des soldats allemands et leurs chiens de liaison
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Avec le temps, le dressage des chiens évolue et s'adapte aux exigences du champ de bataille. Jusqu'alors, il y a trois façons pour un chien médical d'indiquer l'emplacement d'un soldat blessé : en aboyant, en attendant l'arrivée des secours à côté du blessé ou en récupérant un objet du soldat blessé et le ramenant à l'arrière. À partir d’avril 1915, l'état-major allemand interdit l'utilisation des chiens dressés comme aboyeurs. La guerre se cantonnant dans les tranchées ne permet plus les bruits pouvant alerter l'ennemi. De même, les chiens médicaux n'ont plus beaucoup d'utilité dans les tranchées. Ces chiens subissent pour la plupart une nouvelle formation d'estafette ou de sentinelle.

Un infirmier allemand, son chien médical et un blessé
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Des soldats allemands et leurs chiens médicaux
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Des chiens médicaux en route vers leurs unités
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L'insigne de l'Association allemande des chiens médicaux
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  • Du côté américain

L'armée américaine est la seule armée à promouvoir au rang de sergent le chien Stubby pour « faits de guerre ». Il est aussi le chien le plus décoré de la Grande Guerre. Son histoire comme aux États-Unis d'Amérique où il est recueilli sur le campus de l’université de Yale où s’entraînent les militaires américains. Aussitôt, il devient la mascotte du 102 erégiment d'infanterie. Durant le mois de février 1918, il débarque avec le 102 e à Saint-Nazaire, en France. Lors des premiers engagements américains contre les Allemands, il joue déjà un rôle de chercheur de blessés américains lors de dix-sept batailles. Par la suite, il se découvre un second rôle, celui de sentinelle. C'est dans les dernières semaines du conflit, lors de la progression du régiment dans un village abandonné que Stubby sent la présence d'un ennemi qu'il localise, aboie, charge et mord aux jambes un soldat allemand l’empêchant de s'enfuir. C'est cet acte héroïque qui lui vaut d’être nommé sergent alors que son maître n'est que caporal. À la fin du conflit mondial, Stubby a participé à 17 batailles et à 4 offensives. Il a à son actif 18 mois de service dans l'armée américaine. En 1919, Stubby et son maître, le caporal Conroy, reviendront en héros sur le sol américain. Ils paraderont dans plusieurs villes et seront reçus par le président américain.

Le chien Stubby décoré par le général Pershing
Crédit photo : DP
Le chien Stubby
Crédit photo : Wikipedia
Le chien Stubby
Crédit photo : Stubby movie
Un chien et son maître
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  • Du côté belge

Dès le début du conflit, chaque compagnie possède douze chiens traînant six voiturettes montées sur un cadre à roues pour le transport des mitrailleuses et des munitions. Ces chiens sont muselés afin de ne pas aboyer et ainsi alerter l'ennemi. L'avantage de ce type d'attelage est de permettre aux chiens de pénétrer facilement dans un sous-bois en toute discrétion, ce qu'un cheval ne peut réaliser. Le berger belge El Tango est considéré comme l'un des meilleurs guetteurs de la guerre. Il est capable de repérer un ennemi à 300 mètres.

Deux chiens attelés à une mitrailleuse
Crédit photo : DR
Deux chiens attelés à une mitrailleuse
Crédit photo : Getty
Deux chiens attelés à une mitrailleuse
Crédit photo : Getty
Des moniteurs belges et leurs chiens
Crédit photo : DP
  • Du côté britannique

Tout comme les Belges, les Britanniques ont déjà une certaine expérience du dressage de chiens avant le déclenchement de la Grande Guerre. Dès l'arrivée des soldats britanniques en France en 1914, leurs chiens sont déjà capables de retrouver des blessés sur les champs de bataille. Ces chiens savent différencier un soldat blessé d'un soldat mort. Afin d'aider les Français à rattraper leur retard sur l'utilisation des canidés, les meilleurs chiens et les meilleurs moniteurs vont former les équipes françaises. Ils feront de même avec les équipes américaines qui ne connaissent pas encore les batailles à l'européenne.

Des chiens à l'entraînement
Crédit photo : La Contemporaine
Un chien liaison
Crédit photo : La Contemporaine
Le capitaine et dresseur de chiens anglais Richardson avec son chien
Crédit photo : Getty
Le capitaine et dresseur de chiens anglais Richardson et son chien avec des soldats français
Crédit photo : Getty

Les chiens estafettes sont munis d'un collier creux ou d'un collier avec un sachet dans lequel un message peut être inséré. Ces chiens très bien dressés ont l'habitude de réaliser des vas-et-viens entre leurs deux maîtres. C'est ce rapport hommes-chien qui permet au chien de partir à la recherche de son second maître lorsqu'il doit transmettre un message. En général, ces chiens sont capables de retrouver leur maître sur une distance comprise entre deux et quatre kilomètres.

Test d'un masque à gaz sur un chien
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Un chien soigneur britannique
Crédit photo : DP
Un chien de liaison britannique
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Un chien tireur de câble téléphonique
Crédit photo : DP

À l'arrivée des troupes américaines sur le sol français, les Alliés décident de leur fournir des chiens dressés afin d'aider les Américains à assurer leurs communications. Ce sont les Britanniques qui proposent de leur donner des chiens de liaison dressés et formés. Des instructeurs britanniques forment des Américains au technique de dressage des chiens de liaison. Les Américains sont stupéfaits du calme de ces chiens face aux bombardements allemands.

Un chien secouriste à l'entraînement
Crédit photo : IWM
Un chien de liaison et un sergent des transmissions du Royal Engineers Signals
Crédit photo : IWM
Un soldat britannique avec Bruce, un chien messager
Crédit photo : Word War
Deux chiens attelés à une mitrailleuse
Crédit photo : Getty
  • Du côté français

Contrairement aux Britanniques, les Français ont minimisé l'intérêt des chiens de guerre. Aussi, lors du déclenchement des hostilités, l'armée française doit réquisitionner à la fois des chiens et des dresseurs canins. Une fois recrutés, les chiens de guerre sont dressés selon leurs compétences naturelles. Dès 1915, après une période de dressage spécifique en vue de réaliser certaines missions, ces chiens peuvent devenir des chiens de liaison ou estafettes, des porteurs de messages, des guetteurs, des tireurs de lignes téléphoniques d'un poste à l'autre ou des secouristes capables de rapporter le képi ou le casque d'un blessé à l'arrière.

Un chien messager testant le port du masque à gaz
Crédit photo : DP
Un chien secouriste rapportant le casque d'un blessé
Crédit photo : Wikipedia
Des chiens sentinelle au repos
Crédit photo : Wikipedia
Un chien sentinelle
Crédit photo : La Contemporaine

Le chien Tango s'est particulièrement distingué comme sentinelle dans l'armée française. Durant toute la journée, il scrute l'horizon à la recherche d'un soldat ennemi. Un autre chien s'illustre lors de l'offensive de mars 1917. Une compagnie d'infanterie est sur le point d'être encerclée par les Allemands. Trois estafettes sont envoyées mais se font toutes les trois tuées. Le chef de la compagnie décide alors d'envoyer la chienne Pastou pour porter un message à la compagnie de réserve. La chienne parcourt les 4 km séparant les deux unités en onze minutes sous les obus allemands. La compagnie de réserve est aussitôt envoyée contre-attaquer les Allemands qui doivent reculer.

L'inspection de chiens sanitaires
Crédit photo : Gallica
Un chien de l'équipe médicale à l'entraînement
Crédit photo : GWPDA
Un chien sentinelle
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Un chien sanitaire
Crédit photo : DP

Grâce à l'aide et au savoir-faire britannique, les Français dressent des chiens secouristes capables de trouver et de rester à proximité d'un blessé en attendant l'arrivée des secours. D'autres chiens sont formés pour apporter aux blessés des trousses de premiers soins fixées sur leur dos. Avec l'arrivée de l'hiver, les Français se dotent de chiens Husky en provenance de l'Alaska. Ces chiens sont robustes et sont capables de tirer jusqu'à 300 kg sur 50 km chaque jour. Ils sont rapidement transférés vers les Vogues où les conditions climatiques sont rudes et les transferts de blessés et de ravitaillements compliqués.

Des chiens de traineau d'Alaska
Crédit photo : Stamm Binder
Des chiens de traineau d'Alaska
Crédit photo : Stamm Binder
Des chiens de traineau d'Alaska
Crédit photo : Stamm Binder
Des chiens de traineau d'Alaska
Crédit photo : Stamm Binder

Le bilan

  • Du côté allemand

En 1919, l'armée allemande comptabilise la perte de 7 000 des 30 000 chiens engagés dans le conflit.

  • Du côté français

Les chiens enrôlés dans l'armée française possèdent tous un matricule ce qui permet de suivre leur parcours.

En 1919, l'armée française reconnaît la perte de 5 321 chiens sur les 15 000 chiens enrôlés durant l'ensemble du conflit.


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