La Grande Guerre

L'artisanat de guerre, aussi appelé artisanat de tranchées

Du côté français

Lorsque la guerre de mouvement laisse place à la guerre de tranchées, les soldats se retrouvent soudainement dans l'inaction et l'immobilité. Les états-majors sont dans l'impasse, l'intendance n'a pas le stock nécessaire pour remplacer le matériel détruit ou perdu. De plus, les munitions et les obus d'artillerie viennent à manquer. Aussi, afin de remplacer les objets manquants cruellement au quotidien dans les tranchées, les soldats récupèrent tout ce qui peut servir. Les métaux, cuivre et aluminium, proviennent essentiellement des munitions tirées. Le bois, la pierre et l'os sont prélevés directement dans la nature. À l'aide de ces matériaux, certains soldats fabriquent des objets qui font cruellement défaut au quotidien dans les tranchées. Ainsi, les premiers objets fabriqués sont des bouillottes à eau chaude, des survêtements pour la nuit, des lampes, des briquets et surtout des pièges à rats.

Crédit photo : DP
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Par la suite, certains soldats, artisans de métier, se mettent à fabriquer des objets pour oublier le stress et tuer l'ennui. Ces nouveaux objets sont des objets de la vie courante, des objets décoratifs ou des objets d'équipements individuels. Pour ces artisans, ces objets leur donnent l'impression de retrouver un semblant de vie sociale et professionnelle. Conscient de ce phénomène, les états-majors français font construire des ateliers à l'arrière des lignes. Ainsi, les soldats aux repos, blessés ou en convalescence se mettent à réaliser des objets en tout genre. C'est dans ces ateliers équipés que sont réalisés la plupart des objets. Rapidement, cet artisanat, destiné aux copains des tranchées ou à remplacer les objets manquants au front, devient un véritable marché avec les civils de l'arrière qui achètent les précieux objets aux soldats permissionnaires. Ces ventes rapportent un peu d'argent que les permissionnaires s'en pressent de dépenser pour aider leur famille, pour s'offrir de bons repas, de bons bains ou rapporter des aliments et des boissons à leurs copains qui sont sur le front. De leur côté, certains civils, qui acquièrent de nombreux objets, ont ainsi l'impression de participer à leur manière à l'effort de guerre.

  • Les objets de la vie courante

Le briquet à essence est l’une des premières fabrications des soldats artisans. Ce premier objet est très utile car les allumettes fournies par l'armée sont peu discrètes et peu fiables. Rapidement, les permissionnaires sont chargés d'acheter chez les commerçants les molettes et les pierres à briquet et de les ramener aux copains restés au front. Grâce à ces pièces, ils peuvent commencer la fabrication des briquets. Ils sont fabriqués en laiton, en cuivre, mais aussi en aluminium ou en bois. Ils accompagnent rapidement la majorité des soldats, quelle que soit leur nationalité.

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La bague est l'objet le plus fabriqué sur le front. Elle est fabriquée grâce à l'aluminium des fusées d'obus qui ne manque pas sur le front. Cet aluminium est fondu puis placé dans un moule, créé lui aussi, pour lui donner la forme souhaitée. La chevalière est la plus courante, car la plus simple à fabriquer. Le plus souvent, elle est ornée des initiales du soldat ou d'un motif. De nombreuses bagues sont envoyées à l’arrière aux femmes, aux amies ou aux marraines des soldats.

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La plupart des soldats du front fument. Mais l'humidité et le froid qui sévissent dans les tranchées ne facilitent pas la conversation des cigarettes et des allumettes. Aussi, les fumeurs achètent ou fabriquent une pipe accompagnée de perlot. Chaque pipe est soit creusée dans une racine, soit fabriquée à partir de deux branches d'arbres dont l'une est courbée. Le fourneau est souvent sculpté avec la tête du soldat qui en fait la demande. Des cure-pipes sont également fabriqués à l'aide d'une cartouche et de sa balle retournée. Un compartiment de cartouchières est adapté pour accueillir le tabac et le garder au sec. Des tabatières en bois sont également sculptées.

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  • Les objets décoratifs

Avec le temps, les soldats se mettent à récupérer aussi des matériaux trouvés dans des fermes, des usines et des maisons abandonnées. Cette abondance de matériaux explique que les soldats se mettent à réaliser des objets supplémentaires qui sont plus destinés à décorer. Malgré les outils rudimentaires dont ils disposent, certains objets sont de véritables oeuvres. À l'arrière, les ateliers fleurissent un peu partout. Avec l'avancée de la guerre et l'arrivée des soldats alliés, ces ateliers accueillent des soldats de toutes nationalités. Ces lieux de rassemblement encouragent le troc d'objets en tout genre.

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Dès 1915, des expositions des objets du front voient le jour. Les civils de l'arrière dont certains collectionneurs sont de plus en friands de ces objets. De leur côté, les soldats artisans y voient une manière de gagner un peu d'argent tout en faisant la guerre.

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  • Les objets d'équipements individuels

L'intendance prise au dépourvu par la durée du conflit ne peut faire face aux nombreuses demandes d'objets à remplacer. C'est pour cette raison que les soldats artisans fabriquent des objets destinés aux soldats. Le peigne à poux devient rapidement un objet indispensable. Les boutons des chemises et des manteaux réglementaires s'arrachent, lors des attaques ou lors des bombardements, et doivent être remplacés pour éviter les sanctions disciplinaires des officiers en visite sur le front. Les quarts se perdent tout comme les gamelles.

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Du côté allemand

Les Allemands connaissent les mêmes besoins avec l'installation des troupes dans les tranchées. À la différence des soldats français, les Allemands construisent la plupart des objets avec des matériaux trouvés dans la nature. Le blocus naval britannique entraîne une pénurie de matières premières en Allemagne. Tous les métaux sont donc récupérés au front et envoyés dans les usines d'armement. Le bois des arbres fruitiers - cerisiers et pommiers - est fortement recherché car ce type de bois est plus tendre et plus facile à travailler. Les feuilles de chênes et de châtaigniers sont même piquetées, à l'aide d'une fine aiguille, entre les nervures. Un prénom est le plus souvent écrit. Les bois les plus droits sont sculptés et utilisés comme canne, très utile pour s'appuyer et se déplacer dans la boue des tranchées. Le bois est également utilisé pour fabriquer les croix des sépultures improvisées dans la zone de front.

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