La Grande Guerre

L'importance des journaux durant la Grande Guerre

La presse en guerre

L’importance de la Grande Guerre dans l’histoire de la presse est considérable, car elle bouleverse la vie des journaux de par la censure dans les pays en guerre, mais aussi parce qu'elle marque l'exploitation de la presse pour la diffusion de la propagande. Ainsi, certains journalistes favorables à la participation de leur pays au conflit deviennent des acteurs incontournables au sein de l'organisation de la propagande. Si, aux États-Unis d'Amérique et au Royaume-Uni, la guerre a pour effet d’accroître le tirage des journaux, sur le continent européen, elle créée de nombreuses difficultés pour les éditeurs qui voient la disparition des ressources publicitaires et des imprimeries. Le papier se fait rare. De plus, les rédactions se vident de leur personnel mobilisé ou qui refuse d'écrire sous la contrainte et la censure. Un des premiers effets de ces difficultés est la disparition d’un grand nombre de journaux dans les pays occupés et en guerre.

  • La presse allemande

À l'entrée en guerre de l'Allemagne, celle-ci dispose déjà de services de propagande. Dès l'embargo maritime britannique, les Allemands manquent rapidement de papier permettant les impressions des journaux. Aussi, nombreux sont les éditeurs qui doivent stopper leurs productions. À la création d’ersatz, de nouveaux éditeurs créent de nouveaux journaux qui connaissent une existence plus ou moins éphémère. Dès 1916, les Allemands mettent en place des journaux dans les pays occupés. Ceux-ci sont de langue allemande et sont destinés aux Allemands désireux d'avoir des nouvelles du front et de leur mère patrie.

  • Des journaux allemands

    La Bibliothèque numérique de la BnF Gallica propose de nombreux journaux d'époque.
Crédit photo : BnF Gallica
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  • La presse américaine

Dès le déclenchement des hostilités en Europe, les journaux américains sont soumis à la stricte censure organisée en Grande-Bretagne. Cette surveillance sévère concerne également les correspondants américains sur le front européen, envers lesquels les gouvernements français et britannique adoptent une attitude semblable à celle qu'ils observent face à leurs propres correspondants. Interdits de visite sur le front allié, excepté si ces visites sont organisées et étroitement encadrées par des officiers britanniques, les correspondants américains ne tardent pas à se révolter contre ce système censorial qui porte atteinte à leur liberté d'expression et compromet la neutralité sur laquelle ils fondent leur presse. Bon nombre d'entre eux choisissent alors d'abandonner leurs postes en Europe et de regagner leur pays. Ces piètres conditions de travail imposées aux journalistes américains les incitent à chercher de nouvelles sources d'informations. Et c'est auprès du gouvernement allemand qui développe, au début du conflit, une stratégie relationnelle efficace avec la presse étrangère qu'ils en trouvent. Le gouvernement allemand leur offre en effet de meilleures conditions de travail sur ses lignes de feu et, notamment, une grande liberté d'écriture. Durant cette période, les correspondants des pays neutres peuvent alors offrir à leurs lecteurs des comptes rendus assez fidèles de l'évolution des combats. Mais peu à peu, avec l'enlisement de la guerre, les Allemands sont contraints d'adopter des mesures de censure similaires à celles qui prévalent chez les alliés.

Toutefois, d'autres voies de communication permettent à l'Allemagne de satisfaire les besoins américains en informations. En effet, dès le mois de septembre 1914, alors que les Britanniques ont coupé les câbles transatlantiques reliant l'Allemagne aux États-Unis d'Amérique depuis le début des hostilités, les Allemands mettent au point un système de télégraphie sans fil reliant leur station de Nauen, située en Allemagne, à celle de Sayville, située aux États-Unis d'Amérique. Grâce à ce système, les Allemands peuvent continuer à informer les Américains sur le déroulement de la guerre. Ces informations, présentées comme provenant d'un correspondant indépendant, permettent finalement au gouvernement allemand de diffuser son matériel propagandiste en Amérique. Toutefois, cette propagande allemande en terre américaine s'avère de faible efficacité face à celle distillée par Wellington House, qui développe dès le premier mois de la guerre une branche spéciale chargée exclusivement de la propagande vers les États-Unis d'Amérique. Son responsable, sir Gilbert Parker, constitue ainsi une liste de personnages et de groupes influents auxquels il fait parvenir du matériel propagandiste. Fonctionnant comme un indépendant, sir Gilbert Parker tente de persuader les journalistes américains de la légitimité de l'action britannique dans le conflit qui les oppose aux armées allemandes.

L'entrée en guerre des États-Unis d'Amérique, le 06 avril 1917, diminue fortement la latitude accordée jusqu'à présent à la presse américaine par le gouvernement. En effet, sa participation armée au conflit le contraint à se doter de moyens de contrôle de l'information. Dans cette optique, le président américain, Woodrow Wilson, fonde, le 14 avril 1917, le Comité d'information publique, à la direction duquel il nomme son ami le journaliste George Creel. Pour cet homme de publicité, la guerre représente un produit qu'il se donne pour mission de vendre au public américain. Il met notamment en place la division filmographique, la Pictorial Publicity Division, et la pratique de discours propagandistes brefs et précis d'environ 4 à 5 minutes que quelque 75 000 orateurs adressent dans les endroits publics. Il publie également un bulletin hebdomadaire officiel qu'il distribue à environ 12 000 journaux américains. Les journalistes américains se voient alors contraints de s'adapter en diffusant des informations de propagande dans leurs rédactions.

  • Des journaux américains
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  • La presse belge

À l’arrivée des armées allemandes en août 1914, rares sont les journaux belges qui ont l’opportunité de déménager vers la France. La plupart des journalistes belges refusent alors de continuer à la rédaction d'articles plutôt que de se soumettre à la censure. Du coup, beaucoup de journaux disparaissent. Les journaux continuant à paraître deviennent une presse censurée demeurant cependant le principal canal d’information et de communication du pays occupé. La population belge, supportant mal l’isolement du reste du monde, reste malgré tout avide d’informations sur l’évolution de la guerre. Aussi, des presses clandestines voient le jour. Beaucoup de ces presses se donnent pour mission première de reproduire les articles de la presse alliée. Apparue à Bruxelles dès septembre 1914, « La Soupe » est sans doute le journal clandestin le plus prolifique avec pas moins de 500 numéros parus en une année. En février 1915, « La Revue hebdomadaire » de la Presse française est créée à Louvain. Elle propose environ 4 numéros par mois et reprend une sélection d’articles tirés des grands titres de la presse française, parfois enrichis d’articles de ses propres rédacteurs.

  • Des journaux belges censurés

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  • Des journaux belges clandestins

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Toujours en 1915, à Bruxelles, « La Libre Belgique » parait et devient rapidement le journal clandestin le plus célèbre car cette presse d’opinion se donne pour mission d’exprimer et d’orienter l’état d’esprit des occupés, en contrebalançant le travail de démoralisation de la population attribué aux journaux censurés. Malgré plusieurs vagues d’arrestations, « La Libre Belgique » est tirée à pas moins de 171 numéros entre février 1915 et novembre 1918. Certaines éditions sont tirées à plus de 20 000 exemplaires et diffusées dans pratiquement tout le pays. « La libre Belgique » est une exception. Sur les 77 journaux clandestins recensés, la plupart de ces journaux ne connaissent qu'une existence éphémère. D'autres, comme « L’Âme belge », « La Revue de la Presse », « De Vrije Stem » ou « De Vlaamsche Leeuw » parviennent à éditer des numéros durant toute la guerre.

  • La presse britannique

En août 1914, le gouvernement britannique est aussi dépourvu que la France dans l'organisation de la propagande. Il improvise ainsi une cellule permettant de combler la demande persistante d'informations sur les combats émanant des représentants de la presse britannique. C'est ainsi que se crée le Département des nouvelles. Parallèlement, plusieurs cabinets ministériels organisent leurs propres services de propagande. C'est le cas du ministère de la Guerre qui crée, en février 1916, sa cellule de censure et de propagande connue sous le nom de MI7.

  • Des journaux britanniques censurés
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  • La presse française

Dès le 05 août 1914, une loi « réprimant les indiscrétions de la presse en temps de guerre » interdit la publication d'informations relatives aux opérations militaires autres que celles fournies par le gouvernement. Celui-ci tente au même moment de s'allier les membres de la presse, en les exhortant à respecter ces nouvelles conditions et en les encourageant à ne publier aucune information sur la guerre sans qu'elle n'ait d'abord été visée par le bureau de la presse nouvellement créé. Il en appelle à leur sens des responsabilités et à leur fibre patriotique pour obtenir une collaboration pleine et entière. Très rapidement, les journalistes ne peuvent plus se rendre sur le front. Dans ce contexte de pénurie d’informations et afin de soutenir le moral des troupes et de l’arrière, la presse brode et la propagande se développe, surtout dans les journaux à grand tirage.

  • Des Allemands cruels et stupides

La presse dévalorise les Allemands, présentés comme un peuple fruste et sanguinaire, alors que les Français sont chevaleresques et courageux. En août 1914, La Croix publie la lettre d’un lecteur qui a pu observer des prisonniers allemands : « au total, ahurissement, mollesse et indifférence des hommes ; vanité, cruauté et niaiserie des officiers, voilà les vertus qu’ils nous offrent ». Dans un jeu de miroirs, Le Petit Parisien laisse entendre que les Allemands font croire à leurs soldats que les Français exécutent tous les prisonniers. Sous le titre « Un prisonnier saxon s’étonne de ne pas être fusillé », le journal raconte qu’un uhlan « n’en voulait point croire ses oreilles quand on lui dit que les Français n’avaient pas coutume de fusiller leurs prisonniers » ; « Eh bien, ils sont menteurs nos officiers ! ». La frontière entre fiction et témoignage est souvent floue. Le Petit Parisien annonce la publication du feuilleton « L’espionne de Guillaume », « un récit merveilleusement documenté ».

  • Une armée allemande inefficace

Alors que contrairement à l’armée française, l’armée allemande a renouvelé son fond d’armes avant la guerre, les journaux la présentent comme inefficace et mal équipée. On lit dans La Croix : « Il semble que les Allemands soient en retard de quarante ans. Ils procèdent comme en 1870 avec une imagination enfantine et barbare ». Le Petit Parisien du 20 août rapporte des récits de blessés : « Les Allemands se battent mollement et leur artillerie est de loin inférieure à la nôtre ». En septembre 1914, un médecin explique dans L’Intransigeant que « les Allemands tirent mal, leurs obus éclatent lourdement et les éclats ont peu de force », tandis que « les éclats de nos obus font des plaies plus graves ». Selon lui les balles allemandes pénètrent très vite dans le corps si bien que « la blessure est presque aseptisée » et est ainsi plus facile à soigner.

  • Un récit des opérations militaires

Les rédactions, emportées par la vague patriotique de l’Union sacrée, déforment la réalité des opérations militaires, soit en minimisant les défaites, soit en amplifiant les succès. Durant ce qu’on nommera ensuite la bataille des frontières, le 22 août 1914, 25 000 Français sont tués en Belgique et en Lorraine ; ce sera la journée la plus meurtrière de la Grande Guerre. Les succès allemands entraînent la retraite de l'aile gauche de l'armée française jusqu'en Champagne. Dans son désir de rassurer ses lecteurs grâce à de bonnes nouvelles du front est, le même numéro du Matin n’hésite pas à annoncer en gros titre que « Les cosaques sont à cinq étapes de Berlin » et que « la défaite de la duplice est certaine ». En réalité l’avant-garde des cosaques était beaucoup plus loin et les assauts russes seront très vite stoppés.

  • Des journaux françaises

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